La dimension
économique de la migration n’a longtemps été abordée que sous l’angle du bilan
coût/avantage pour les pays d’accueil, ou encore de son rôle dans le
développement des pays d’émigration lié aux fonds qui y sont envoyés par les
personnes migrantes. Avec le durcissement des politiques migratoires, un
nouveau thème est apparu, celui de l’exploitation par des réseaux criminels –
auxquels sont mécaniquement assimilés les « passeurs-facilitateurs » souvent
migrants eux-mêmes – du besoin de franchir des frontières toujours plus
verrouillées. Qualifiée par le collectif Cette France-là de « stratégie
rhétorique » destinée à légitimer « des politiques de plus en plus
restrictives, brutales et attentatoires aux droits fondamentaux » , la
thématique des passeurs sert de surcroît à masquer une forme autrement plus
lucrative d’exploitation de la migration, encouragée celle-là par les
gouvernements puisqu’elle sert les dispositifs de « gestion des flux
migratoires ». Les formes récentes de cette gestion fournissent, depuis une
quinzaine d’années, une manne qui n’est sans doute pas près de se tarir.
On
pense aux profits tirés du développement de la technologie sécuritaire dans le
secteur de la surveillance des frontières, mais aussi de tout ce qui ressort
dans les pays d’immigration des législations sur l’accueil, l’hébergement, la
détention et l’expulsion des étrangères et des étrangers. Dans les deux cas,
les bénéficiaires de cette manne sont à titre principal des entreprises privées
: industries d’armement et aéronautique, sociétés d’assurance, sociétés de
sécurité, prestataires privés pour la gestion des visas, ainsi qu’une kyrielle
d’opérateurs impliqués dans l’application des politiques migratoires et
d’asile. Dans une savoureuse « recension des vautours qui se font du fric avec
la machine à expulser », le site d’informations alternatives Infokiosques a mis
en ligne, en 2009, la liste détaillée des constructeurs et des architectes de
centres de rétention administrative, des prestataires de services qui en
assurent le quotidien (repas, blanchisserie, nettoyage), des sociétés de
transport qui convoient des expulsé·e·s, des sociétés hôtelières à qui sont
louées des chambres pour les personnes retenues, ainsi que des associations qui
interviennent dans les centres de rétention administrative (CRA) sous contrat
et des cabinets d’avocats qui défendent les intérêts de l’administration dans
les contentieux de l’éloignement.